Le pays du bon cidre

Tout au long du siècle passé, la commune a été connue comme « le pays du bon cidre ».

Les plus anciens documents évoquant la production cidricole quiboise remontent au 16e siècle, mais il faudra attendre la fin du 19e pour que celle-ci accède à une grande renommée. Un terroir adapté et beaucoup de savoir-faire vont alors permettre à plusieurs familles (Guérin, Lechevallier, Marie…) de se distinguer dans les concours agricoles, où leurs cidres et eaux de vie remportent des centaines de prix. Auguste Marie (1850-1935), Léon Guérin (1832-1908) et Emile Guérin, très actifs, s’impliquent également dans les sociétés pomologiques. La production quiboise est alors connue et vendue dans toute la France (Auguste Marie présente sa production à la Foire de Lyon, 1921, expédie son cidre en région parisienne et même vers…l’Algérie). Quibou devient alors synonyme de cidre de qualité et la presse n’hésite pas à écrire que Léon Guérin est « de ceux qui ont le plus contribué à faire au cru de Quibou sa réputation universelle » ! (1)

Si tous les cultivateurs de Quibou n’exportent pas leur production aussi loin, tous fabriquent du cidre pour leur consommation personnelle et vendent le surplus dans les cafés des environs (surtout à Saint-Lô). Les pommes qui ne sont pas « pilées » sont vendues aux deux distilleries implantées à Quibou dans l’entre-deux guerres (Distillerie Malherbe au Gislot et Distillerie du Val) ou encore expédiées via la gare de Canisy vers des distilleries plus lointaines. À cette époque, une pépinière ainsi qu’une fabrique de claies de pressoir ont existé à Quibou. Des menuisiers fabriquent les tonneaux, activité qui sera encore pratiquée par Roger Chouque jusqu’à une période récente.

Lourdement malmenés par les combats de la Libération, les vergers connaissent leur chant du cygne dans les années de l’Après-Guerre. Saint-Lô est en pleine reconstruction. Les ouvriers y sont nombreux. Les cafés fonctionnent à plein régime. Bien des fermes de la commune livrent un tonneau par semaine dans la cité préfectorale. À partir des années 60, la mécanisation agricole impose des parcelles plus grandes et plus dégagées. Les surfaces plantées de pommiers reculent. L’envol de la consommation de masse, les primes versées pour l’arrachage des pommiers ainsi que la loi obligeant bon nombre de cultivateurs à acheter des droits pour distiller leur propre cidre accentuent le désintérêt pour cette production, qui se limite peu à peu à la consommation familiale. Jusqu’à une période récente, les famille Presse, Lechevallier, Eudes parvinrent à entretenir la tradition communale en remportant le concours de la Pomme d’Or de Gouvets et en commercialisant leur cidre, mais à bien moindre échelle que par le passé.

Peu à peu, on a donc assisté au déclin d’un savoir-faire qui faisait l’orgueil de la commune. Les tempêtes de 1987 et 1999 vont porter le coup de grâce à un verger vieillissant. Avec la mort des pommiers, c’est un paysage qui a progressivement disparu et c’est aussi un savoir-faire qui menace de s’éteindre. Heureusement, des projets se font jour dans la commune afin de donner un second souffle au « cru de Quibou ».

(1) Le journal de la Manche et de la Basse Normandie, 28 mars 1908.