Les noms des villages

La Folie, le Pont-Brûlé, le Bois-Héron… Ces noms qui, parfois, remontent à la nuit des temps font encore partie de notre quotidien. Si certains peuvent sembler simples à décrypter (mais les apparences sont parfois trompeuses !), d’autres sont beaucoup plus énigmatiques. Que veulent-ils dire ? C’est ce que cherche à préciser la toponymie. Cette science, bien que parfois inexacte, faute de documents assez anciens, nous apporte malgré tout de précieuses informations sur les paysages, les chemins, l’habitat, les activités humaines et les habitants des siècles passés…

  • Les bois, les landes, les arbres, les champs…

Le Bois-Héron :  jusqu’à la Révolution, Quibou était divisé en trois seigneuries : Vaultier, Val et Bois-Héron dont les seigneurs étaient des chanoines du chapitre cathédral de Coutances. La ferme de Bois-Héron appartenait au chapitre de Coutances. Ainsi, il est fort probable que ce village ne doive pas son nom au volatile amateur de poisson mais plus certainement au chanoine Richard Heron.

Le Boscq : le bois, le bosquet Le Buisson / Le Bisson : de sens évident, buisson, petit bois. On notera l’emploi de la forme dialectale « le Bisson » dans les textes anciens.

Les Cinq-Chênes : ce type de nom de village est fréquent pour des hameaux situés à des carrefours. On trouve par exemple le carrefour des Cinq épines au Hommet-d’Arthenay.

Le Feugray : lieu où les fougères poussaient en abondance (même origine que Feugères, Fougères, le Feugeray…).

Le Foc / le Petit Foc : les anciens Quibois prononcent le « Fô », le « c » est muet. Dans les textes du XVIIe siècle, le Foc apparaît sous la mention « village du Fou ». Au Moyen-Age, le mot « fou » désignait le hêtre. Le Foc est donc le village du… hêtre !  Fagus (fagetum, faiacus) signifie « hêtre » en latin. Le Foc est donc le lieu planté de hêtres.

La Folie : folia en latin désigne la feuille. La Folie a donc la même origine que la Feuillie, il s’agissait d’un endroit boisé.

Les Landes : terrain défriché où poussent bruyères et ajoncs.

La Quesnelle : du normand « Quesne », le chêne.

Le Sault : lieu où poussent les saules.

Le Vasge : comme le Gast et le Vast, lieu en friche ?

Les Camps :  c’est-à-dire les champs, lieu défriché quand les alentours sont encore à essarter. Ce village situé à proximité de la Petite Bosquerie est aujourd’hui inhabité.

La Campagne :  le terme « champagne /campagne » désignait jadis de grands champs ouverts. Ce village situé en bordure du Chemin Montois, axe d’origine antique, a certainement été défriché de manière très précoce.

Les Cosnets : champs en forme de pointe.

Les Courts-Champs.

La Villette : vient du latin « villetta » qui désigne un petit domaine. Il n’est guère surprenant qu’un propriétaire gallo-romain se soit implanté en ce lieu proche de deux voies de communication très anciennes : l’actuelle route Saint-Lô-Coutances et l’ancien chemin de Cenilly.

Le Hamel : le Hameau.

Que d’eau…

La Bonne Eau.

Les Fontaines : dans la région, une fontaine désigne une petite mare alimentée par une source. Ces fontaines sont souvent nichées au creux des haies. Les mares et fontaines sont encore nombreuses dans ce village et donnent naissance au ruisseau de la Petite Vallée.

Les Bouillons : lieu humide.

La Frinvalle : l’explication du nom de ce village demeure hypothétique. Dans un compte-rendu de conseil municipal du XIXe siècle, le mot « Finvalle » apparaît comme un synonyme de « mare. »

Le Val / le Haut-Val : la vallée. Les plus anciens habitants connus de ce village sont un certain Guillaume de Groualle et Perrotte son épouse qui demeuraient au « Hamel du Val » en 1455.

Les édifices

Le Pont-Brûlé : certains auteurs imaginatifs ont affirmé que le pont initialement en bois aurait été incendié durant la Guerre de Cent Ans. Cette explication n’a aucun fondement historique et la réalité est plus terre à terre : les lieux doivent leur nom à la famille Bruley, encore présente sur la commune au XIXe siècle.

Le Pont à Mazé ou Pont au Mazé : un pont existait déjà à cet endroit en 1644 alors que presque partout, on passait les rivières à gué ou sur des planches. Un indice supplémentaire de l’ancienneté de cet ouvrage est lié au nom de famille Lemazé, famille présente à Quibou à la fin du Moyen Âge.

Le pont de la Bonhommière :

Pont qui enjambe la Terrette. Ce type de pont a plusieurs arches, reposant sur des piles à bec surmontées d’un tablier plat apparait au XVIe siècle. Le pont de la Bonhommière peut remonter au XVIIe siècle, ce qui en fait le plus ancien pont de la commune. Initialement ses deux arches étaient en plein cintre, l’arche carrée résulte d’une réfection.

Le Castillon :  comme son homonyme de Canisy, ce village doit son nom à un « castellum» (édifice militaire de l’époque gallo-romaine). Le Castillon de Quibou était destiné à surveiller un axe jadis important : l’ancien chemin menant de Cenilly à Marigny, tandis que le fortin de Canisy protégeait l’actuel Chemin Montois.

Les chemins

Le Cachot : ce nom mystérieux a donné naissance à des explications romanesques : on parle d’une cache de brigands à l’orée du Bois de Carantilly… Néanmoins, il se peut que l’explication soit plus prosaïque, car il ne faut pas oublier qu’en normand une « cache » désigne également un chemin.

Les Carrières : Il n’est pas certain qu’on n’y ait jamais extrait de la pierre. Il peut aussi s’agir de la forme normande du mot « charrière » (chemin où passent les charrettes).

Le Grand-Chemin : ce village doit son nom au chemin qui le borde. Le Grand-Chemin partait du bourg par l’Hôtel-Lainé, débouchait à la Croix de l’École avant de gagner l’Hôtel-Carré et la Huaudière. Il s’agissait du chemin principal pour se rendre du bourg vers le nord de la commune. La route actuelle qui quitte le bourg par la Frinvalle et les Fontaines a été percée relativement tardivement.

La Voie : le chemin qui y passe est très ancien tandis que l’actuelle route de la Folie à Carantilly est récente.

Le Vauruel : apparaît sur un plan ancien sous le nom du « Vieux Perré », c’est-à-dire « le vieux chemin empierré ».

Le Mesnage : la maison.

Saint Benoît / Saint Léger : du nom de deux chapelles situées sur la paroisse de Marigny.

Toute étude sur les noms de lieux fait apparaître des patronymes familiers ou oubliés. Pour identifier un lieu à l’écart, il est courant depuis l’antiquité de recourir au nom de la personne qui y vit. À partir du XIIe siècle, on se servira du nom de l’habitant des lieux suivi du suffixe -erie ou -ière. Ces toponymes, très nombreux, apparaissent à l’époque où la Normandie connaît une forte poussée démographique et permettent de désigner les terres récemment gagnées sur la forêt. Les essarts prennent alors le nom de leurs défricheurs. Néanmoins, ce processus continue d’être productif quasiment jusqu’à nos jours et tous les noms de villages en -ière ou -erie ne remontent pas à l’époque médiévale.

Les noms en -ière

La Basilière : Bazile

La Bonhommière : rappelle la présence d’une famille Bonhomme

La Bourdonnière : Bourdon. La Bourdonnière apparaît pour la première fois dans les archives en 1367 quand Thomas Herres de Quibou prend en foi et par hommage, de l’église de Quibou, moyennant une rente annuelle de trois métants de froment, une pièce de terre située sur le bord du chemin « qui va de la Bourdonnière au moustier ».

La Cauvinière : Cauvin.

La Douchardière : Douchard, aussi appelée village Hérouard.

La Fauvelière : Fauvel La Grande et la Petite Feronnière : Féron.

La Fumelière : le patronyme Fumel est représenté dans le sud de la France. Ce village apparaît parfois sous le nom de Jumelière, une famille Jumel est quant à elle attestée de longue date dans l’ouest de la France.

La Goujonnière : Goujon.

La Guesnonnière : Guesnon. Au XVe siècle, Robin Guesnon de Quibou donna au trésor de l’église dix sol tournois de rente.

La Hamonnière : Hamon.

La Huaudière : Huault.

La Joisière : La Joie, cette famille a laissé également son nom à une parcelle de terre à proximité de ce village, le « Clos de la Joie ».

Les Martinières : Martin.

La Noraisière : Lenorais.

La Péraudière : Péraud.

La Pintelière : il existe une famille Pintel dont le berceau est situé dans le nord de la France.

La Pouchinière : Pouchin.

La Quellière : famille Querel ou Cherel.

La Rainière : famille Rainier ? Il existe dans les environs de la Rainière, une parcelle nommée « la pièce au Ray. » Peut-être ce village doit-il son nom à cette famille Leray ?

La Renondière ou Renaudière : du nom de Renaud.

Les noms en -erie

Ces noms semblent de formation plus récente que ceux formés en -ière, les noms de famille sur lesquels ils sont formés étant parfois encore portés dans la commune ou au moins attestés de façon récente.

La Grande et la Petite Bosquerie : « hameau des Duboscq ». Cette famille était encore présente à la Grande-Bosquerie à la fin du XIXe siècle. Alphonse Dubosq y est né le 9 mars 1861.

La Chevallerie : village des Lechevallier.

La Chouquerie : famille Chouque. La famille Lachouque est déjà présente à Quibou au 15e siècle.

La Conterie : Leconte (famille déjà présente à Quibou à la fin du Moyen Âge). Le plus célèbre représentant de cette famille est le poète Charles Leconte de L’Isle dont les ancêtres vivaient au Grimbert.

La Coquerie : Lecocq.

L’Euderie : Eudes.

Les Hercheries : famille Herche (encore présente à St-Samson-de-Bonfossé en 1812).

La Joignerie : Ce village doit-il son nom à la rivière toute proche ou à la famille Jouan attestée dans la région en 1451 ?

La Moinerie : village des Lemoine. François Lemoine, filandier, vivait à la Moinerie où il est décédé en 1767. Un autre village du même nom a existé proche de la Vauterie.

La Saunerie : Lesaulnier.

La Vauterie : du nom de Vautie.

Les noms en -aie

La Bourguaie : Dubourg.

La Tanqueraie : Tanqueray. Famille représentée à Quibou en 1697 en la personne d’Anne Tanqueray.

La Francraie est une création toute récente probablement issue d’une mauvaise lecture du plan cadastral. Il n’y a guère longtemps, les habitants de l’actuelle Francraie se considéraient habitants du Boscq.

Les noms de famille précédés d’un article

Le Grimbert.

Le Gislot : Thomas Gislot était trésorier de la fabrique de l’église de Quibou en 1515.

Le Mesnil-Don : Mesnil dérive du substantif mansionile qui désignait la maison. D’après Marcel Baudot, dans son article, « Les noms de personnes en fonction toponymique », le mesnil aurait « un caractère plus collectif » et s’appliquerait « plus à une petite agglomération qu’à une exploitation isolée ». Une famille Dan était présente jusqu’à récemment dans la région et a aussi donné son nom au village de la Danière à Dangy.

Le Hamel ès Pages : le village, le hameau de la famille Lepage.

Le village Labbé : ne vous fiez pas au panneau signalétique où figure « Village l’Abbé », cette forme est erronée. Ce village ne tire pas son nom d’un supposé ecclésiastique, mais de la famille Labbé qui y a été très présente jusqu’au XIXe siècle.

Les édifices

Les lieux-dits, Hôtel X, Hôtel Y apparaissent à la fin du Moyen Âge. Les « Hôtels » désignent la maison, la demeure. Suit en général le nom du premier occupant de la tenure.

L’Hôtel-Beaufils : la maison des Beaufils (Augustin Beaufils y est attesté en 1833).

L’Hôtel-Boirot.

L’Hôtel-Cocagne : famille Cocaigne. Ce village est aussi curieusement nommé « village de la Pompilière » dans un acte notarié du XIXe siècle. La famille Cocaigne attestée à Quibou au moins dès le 17e siècle y était encore représentée il y a quelques années.

L’Hôtel-Couespel : Jean Coispel y vivait en 1766. Ce village est aussi nommé au XIXe siècle « Village Fontaine ».

L’Hôtel-Drouin : La famille Drouin est encore représentée à Quibou à ce jour.

L’Hôtel-Fossard : la famille Fossard est une très ancienne famille de la commune. Ses descendants sont encore présents à l’Hôtel-Fossard en 2021.

L’Hôtel-Hochu.

L’Hôtel-Huault : Johan Huault dit Lepaumier est trésorier de l’église en 1462.

L’Hôtel-Laisné.

L’Hôtel-Moulin.

L’Hôtel-Noireau / Hôtel-Noiret.

L’Hôtel-Viel : Pierre Viel est présent à Quibou en 1687.

Deux types de bâtiments ont laissé d’importantes traces en toponymie : la forge et le moulin.

La Forge : cette forge était bâtie à un emplacement stratégique : à proximité du Chemin Montois et du Chemin de Cenilly. Dans ce village existent encore des éléments architecturaux de la fin du XIVe siècle.

La Forgette : petite forge bâtie en bordure du Chemin Montois.

Le Moulin Biard ou Moulin de la Rivière : du nom de la famille de meuniers qui y vivait et y travaillait au XIXe siècle.

Le Moulin du Val : ancien moulin banal de la seigneurie du Val, devenu filature, puis distillerie et enfin laiterie.

Le Moulin de Dessous : nommé ainsi car bâti en contre-bas du bourg de Quibou. En 1839, il s’agissait d’un moulin à froment, sarrasin et orge. Après la fin de l’activité meunière à la fin du XIXe siècle, le moulin a été occupé par une forge.

Le Moulin-Héron : ancien moulin banal de la seigneurie de Bois-Héron, du nom du chanoine Héron.

Le Moulin-Lambert : ancien moulin à tan, reconverti en moulin à huile, puis à céréales aussi appelé Moulin-Frican au XIXe siècle.

Le Moulin-Vaultier : moulin de la seigneurie de Vaultier. Ce moulin est aussi nommé de la fin du XIXe aux années 1950 Moulin-Outrequin du nom de ses propriétaires.

Le domaine religieux

La christianisation a entraîné l’utilisation des toponymes. Plusieurs d’entre eux, à Quibou, désignent des bâtiments religieux.

La Croix au Doyen : cette Croix doit son nom au chanoine doyen du chapitre de la cathédrale de Coutances qui fut sans doute à l’origine de la première croix implantée en ce lieu. La famille Lebrun- Beaufils avait fait ériger une croix en 1911 qui fut renversée lors des combats de la Libération. On la fit remplacer après la guerre par la croix que nous connaissons actuellement. Celle-ci fut réalisée par monsieur Togna de Carantilly.

La Croix-Lambert : la même famille Lambert a laissé son nom au Moulin-Lambert.

Saint-Benoît : la chapelle Saint-Benoît a été détruite lors d’un changement de tracé de l’actuelle route de Coutances. Une croix de bois, tombée dans les années 20, a longtemps rappelé le souvenir de cette chapelle.

Saint-Léger : Saint-Léger (côté Marigny) abrita une léproserie dont la chapelle était dédiée à Saint-Léger. Celle-ci remontait au moins au XIIe siècle. Devenue au XVIIe siècle commanderie de l’ordre de Saint-Lazare, elle est certainement vendue lors de la Révolution. La chapelle existait encore en 1878, mais convertie à un usage profane.

La Croix de l’Ecole (XVIIe siècle): Croix en granit de l’ancienne école des garçons.

Les villages disparus

Les Basses Sues (à proximité du Moulin Vaultier) : on trouve aussi ce nom orthographié « les Bassus », peut-être une terre basse, facilement inondable.

Le Château Millehart : peut-être l’emplacement d’une borne milliaire.

La Grange Gabion.

La Fieffe / La Feuffe : deux villages portaient autrefois ce nom, l’un entre le Grimbert et la Quesnelle (les restes d’habitations ont été abattus dans les années 1920), l’autre proche des Bosqueries. Les fieffes étaient des terres concédées, à charge pour le bénéficiaire de payer chaque année au seigneur une rente.

Village des Cousturières (?)

Village du Cardronnet : (maisons démolies lors du percement de la voie ferrée) endroit où poussaient les chardons.

La maison Tabarin / L’Hôtel-Tabarin / Le Tabarin : d’après la tradition populaire, ce village aurait abrité une auberge de réputation douteuse !

Le Poulenot : (proche de Saint-Léger) Poulenot est un nom de famille encore porté de nos jours, notamment dans l’Aisne et la Haute-Marne.

L’hôtel-Louet (proche de l’hôtel Drouin) figure au cadastre en 1826.

L’Hôtel-Chesnel.

L’Hôtel-Cardonnel (1816).

L’Hôtel-Castel (mentionné en 1662) : s’agit-il du Châtel, autre nom du Château-Millehart ?

L’Hôtel Pasquier (proche de la Croix-Lambert).

Le village ès Simons / L’Hôtel Simon.

Le Moitier ou Moustier, du latin monasterium, désignait l’église paroissiale. Le village du Moustier est donc l’autre appellation du bourg actuel.

L’Hôtel-Carré (entre la Pouchinière et la Huaudière) : il n’en reste aujourd’hui que des ruines situées à proximité du Grand-Chemin. Il a souvent été raconté qu’à l’instar de la maison carrée de Nîmes, l’Hôtel Carré serait d’origine antique… Il est plus vraisemblable qu’en ces lieux se trouvait la demeure d’une famille Carrey, attestée à Quibou dès la fin du XVe siècle.

La Tavelière, à proximité de la Hercherie : une ancienne maison y subsiste.

L’Hôtel au Franc (proche de la Douchardière) : famille Lefran.